1er trimestre 2015
Emmanuelle : un ciné-club à Medina Gounass
Il est 18h, salle des fêtes de la mairie de Djiddah Thiaroye Kao (Pikine), située en face de l’école, ce vendredi 20 février, et la projection du film de Rachid Bouchareb « Little Sénégal » commence.
Les visages des jeunes gens sont concentrés, attentifs et heureux de découvrir cette histoire d’un homme qui part retrouver les descendants de ses ancêtres esclaves aux Etats Unis. Ce fût une très belle projection et il y a en a eu d’autres avec les enfants de l’école Fatou Kaba, leurs jeunes yeux rivés à l’écran devant les premiers Walt Disney, les Kirikou, Le ballon rouge, Crin blanc.
Pourtant rien n’était gagné, je partais pour la première fois au Sénégal, c’était mon premier voyage solidaire, et ma première sortie d’Europe, et je me posais beaucoup de questions sur le pourquoi d’une telle activité.
Je savais qu’en Afrique, le rapport à l’image est différent, et qu’il n’existe plus guère de salles de cinéma. J’étais bien consciente aussi que les conditions de projections à l’école risquaient d’être aléatoires. Mais j’étais sûre d’une chose, un bon film reste un bon film, quelque soit l’endroit où on le projette. J’avais préparé un catalogue de films classiques avec leurs fiches et Marc s’occupait de toute l’installation du matériel.
Alors, évidemment il y a eu des surprises : l’amplificateur qui ne fonctionnait pas, le changement de salle de projection imprévu au milieu du séjour – après la salle des fêtes, nous nous sommes retrouvés dans une petite pièce au premier étage du Cyber centre.
Il n’en demeure pas moins que ce fût une belle expérience, et que l’intérêt et la réactivité des enfants et des adolescents me conforte dans l’utilité d’une sensibilisation à l’image et au patrimoine mondial du cinéma. Le flux d’image étant une composante de plus en plus importante de notre monde moderne, il est important de pouvoir les analyser et le cinéma peut nous y aider.
Mon regret : les élèves de CM2 étaient les seuls à n’avoir pas eu de projection, et jusqu’au dernier jour de notre séjour ils nous ont demandé quand elle aurait lieu.
Mon espoir : le matériel est resté sur place et Félix formera les enseignants à poursuivre l’activité du ciné-club.
Emmanuelle
Claudie : Ici ou là-bas…
Comme dit Félix » ici c’est comme la rue de Belleville …ici c’est Guediawaye et en face c’est Pikine » et ici c’est l’Afrique, le Sénégal, c’est, comme qui dirait la très grande banlieue nord de Dakar, c’est le quartier qui grouille toute la journée et qui continue la nuit, c’est le rythme des deux écoles de chaque côté de la rue, c’est l’activité du marchand de charbon, des échoppes qui bordent la route, des femmes qui commercent comme elles peuvent, c’est le bruit du balai qui tente d’ôter la poussière et les détritus pour permettre au sable d’être plus joli peut-être… c’est la benne à ordures qui reçoit les déchets du poisson de la veille, déchets juchés sur la tête des petites filles et des femmes dans des cuvettes en plastique coloré… ce sont les incessants « bonjour toubab.. comment t’appelles-tu ? »… ce sont les charrettes chargées que tirent des chevaux dressés à éviter les voitures et les camions… et puis cette école dont l’inauguration s’est faite au milieu de la rue avec des chants, des danses, des productions d’enfants, des discours des autorités locales, une bâche protectrice du soleil plombant, deux canapés pour les augustes fessiers et les chaises en plastique… cette école où, malgré l’exiguïté des classes et la course permanente au matériel de base, les enfants deviennent des élèves, guidés par des « tatas » et des « tontons » courageux, rieurs, qui mettent leurs souvenirs d’élèves et leur savoir faire au service de la communauté… ici c’est le sandwich aux petits pois ou aux lentilles à dix heures le matin, ici c’est le terrain où Félix organise des jeux sportifs pendant lesquelles filles et garçons courent très vite pour faire gagner leur équipe, ici ce sont des femmes qui viennent apprendre à lire entre deux lessives, ici je pense très souvent à là-bas…
Claudie
Annie : « Teranga » et musique
Tout d’abord, je tiens à remercier nos amis de Guediawaye, pour leur accueil chaleureux, l’hospitalité de la Teranga, n’est pas un mythe, mais bien réelle ! Ce séjour a été fait de découvertes, de partage du quotidien, de belles rencontres humaines. Cela m’a permis de renforcer les liens d’amitiés, de partage et de travailler au service d’une action commune, dans un esprit de réciprocité : apprendre à connaître l’autre et apprendre les uns des autres.
Voir quotidiennement ces enfants, ces jeunes, ces adultes, rire, s’amuser, avec des choses simples cela marque l’esprit . Ces enfants qui nous interpellent à longueur de journée, « bonjour comment t’appelles-tu ? ». Un moment inoubliable, la sortie avec les CM2 à Dakar, « un lion à Dakar » ; nous voilà partis pour toute une journée avec les enfants à Dakar, dans le bus les enfants joyeux chantaient à tue-tête … pour la plupart d’entre eux, c’était leur première visite à la capitale, accompagnés des deux institutrices, Dominique, de Tourtille et Mme Konaté de Keur Fatou Kaba. Nous étions, en tout, 7 accompagnateurs, pas de risque de perdre ces petits, d’autant que nous avions pris soin avant de partir, de leur mettre à tous une casquette … Mame Boye, notre préféré, nous a fait dropper dans Dakar, fait traverser les rues au péril de nos vies … j’exagère un peu … Quel moment, la pose pour le pique-nique du midi dans le jardin de l’hôtel-de-ville de Dakar, arboré et bien ombragé … on a joué à un, deux, trois ,soleil …drôle !
Et pour finir notre escapade Dakaroise, nous avons pris la route pour Ngor à la plage, malgré l’injonction de Mame Boye aux enfants d’éviter la baignade, nous avons pris quand même un grand plaisir à faire trempette, les enfants bien mouillés quand même… quelle rigolade !
Je tenais à remercier Félix, de sa patience avec nous, et de nous avoir donné ses bonnes adresses pour aller acheter quelques bières pour nos soirées, enfin pas toutes, nous sommes restés sobres, les jus de bissap et de gingembre étaient délicieux …
Merci aussi au groupe, la bande à Mame Boye, Goo, Patricia and co … super rencontre, ils nous ont fait danser aux rythmes de leurs djembés … ils nous ont fait chanter aussi, que du bonheur ..
Tellement de choses à raconter, un grand Merci aux participants pour leur bonne humeur …
Promis pour ma prochaine visite à Guediawaye, je parlerai couramment le wolof pour parler rien ne m’arrête .. !
Annie G
Michèle : Retour de Guediawaye
Une étape importante vient d’être franchie ! L’école KFK est finie, avec des conditions de vie nettement améliorées pour les enfants et les enseignants. L’inauguration fût chantante, dansante et colorée, en présence de nombreux partenaires et personnalités venus témoigner de leur reconnaissance et de leur soutien à Mamadou Gueye qui œuvre inlassablement dans ce quartier, depuis 2002, pour offrir un avenir à ces enfants.
C’est tout un réseau d’habitants qui luttent ensemble, courageusement, très souvent bénévolement, pour assurer des besoins essentiels et vivre dignement. Ils mettent leurs compétences, dans le domaine de la santé, nutrition et éducation au service de la communauté.
Pendant ce voyage solidaire, les élèves de CE2 ont décoré les murs intérieurs de l’école lors d’un atelier peinture que j’ai animé avec leur maître Mamadou Diouf.
Vous trouverez un album sur leurs réalisations.
Nous avons partagé des moments de vie inoubliables, entourés par des habitants, petits et grands, généreux, chaleureux et joyeux.
Et toujours la musique et la danse pour se réjouir de la vie !
Michèle
Catherine M. : Questions sur la santé
Voilà le moment de faire le point. Quelques semaines après le retour vers le confort du quotidien- pas de sable, pas de bruit de chantier, pas de coupure d’eau etc. Mais tous ces désagréments ont été tellement compensés par la richesse des rencontres – que ce soit avec les enfants, toute l’équipe de l’école, mais aussi les musiciens et les membres actifs des réseaux. Richesse aussi de la vie avec les autres, chacun s’activant au plus vite pour démarrer les activités- et respecter les horaires.
13 jours d’allées et venues sur ces chemins sablonneux, au milieu des chèvres, vaches, chevaux. 13 jours à croiser ces bouts de chou avec la question existentielle « comment t’appelles-tu ? ». 13 jours où nous avons fait partie du paysage, souvent avec bienveillance, parfois avec une distance certaine.
Guediawaye inondable, pauvre, mais si vivante, solidaire avec des réseaux communautaires, inondée de bruit pour toutes les occasions !
Donc faire le point pour se situer bien modestement dans cette démarche d’échange et de partage de connaissances sur le terrain.
Je devais essayer de parler de santé buccodentaire. J’ai l’impression d’avoir survolé le problème par méconnaissance – tout particulièrement manque de chiffres sur l’état buccodentaire des enfants – un discours tellement formaté sur les habitudes alimentaires occidentales. Il manquait du matériel ludique pour toucher tous les enfants malgré la barrière de la langue.
Les rencontres avec les femmes des réseaux communautaires étaient très importantes, et la aussi je manquais de support. Mon souhait le plus cher est qu’un praticien sur place s’éngage à des séances de dépistage (et des soins à suivre), ainsi des études pourront se faire sur les besoins précis.
Que dire pour conclure ? Un grand plaisir à ce voyage malgré la question : « santé buccodentaire et ateliers éducatifs pouvaient-ils cohabiter ? ». La santé est-elle à isoler ? Avec d’autres moyens ?
Catherine
Nicolas : microjardins et poulaillers
Parmi les participants au voyage solidaire, Nicolas s’était intéressé au projet pilote CHANGE, mené à Medina Gounass et dans une commune voisine par l’association communautaire ADECOM, soutenue par l’ONG Helen Keller International. C’est un projet de lutte contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire en mettant à disposition des femmes des tables de micro-jardins et des poulaillers vivriers.
Nicolas venait pour évaluer les besoins des élèves de l’école Fatou Kaba en matière de produits maraîchers frais, prendre contact avec l’ADECOM sur le projet CHANGE et, enfin, apprécier la pertinence du développement d’une filière locale de production de bacs en géotextile en s’appuyant, à titre d’expérimentation, sur une dizaine de bacs remis gracieusement par la société Bacsac.
Mamadou Gueye, directeur de l’école Keur Fatou Kaba, est un des piliers du réseau communautaire de Medina Gounass. Il est, notamment, secrétaire général de l’ADECOM. Le réseau communautaire dans les domaines de l’éducation, de la santé, du micro-crédit, de l’assainissement ou encore de la nutrition s’avère être aujourd’hui l’une des principales richesses de Medina Gounass (34 000 habitants) et de Whakinane Nimzat (90 000 habitants) et probablement l’unique levier disponible pour réduire la misère de leur population. Ces communes qui ne sont de plein exercice que depuis les dernières élections municipales en juin 2014, ne disposent en effet de pratiquement aucune rentrée fiscale. De fait, hormis une école publique et un poste de santé, les autres équipements (les écoles primaires, le centre de santé) sont portés par le réseau communautaire avec une forte dimension bénévole.
Vu le nombre d’élèves de l’école (337) et l’absence d’espace disponible, la production de produits maraîchers in situ, pour participer à l’alimentation des élèves à l’heure du déjeuner, s’avère impossible. Le développement d’une agriculture urbaine vivrière pour tenter de répondre aux problèmes de nutrition et de santé de la population en général, et des enfants en particulier, s’avère par contre une piste intéressante.
Les informations recueillies à l’occasion de ce séjour sont forcément incomplètes, faute de temps suffisant pour pleinement appréhender le contexte, et d’avoir pu rencontrer les responsables d’Helen Keller International (HKI), l’ONG américaine à l’origine du projet CHANGE.
Néanmoins, grâce à l’implantation de l’association Ecole Fatou Kaba et au soutien du Directeur de l’école, une relation de confiance a pu s’établir avec la plupart des parties prenantes de ce projet d’agriculture urbaine vivrière, bien sûr le réseau communautaire mobilisant les familles sur cette question mais aussi la municipalité de Medina Gounass, relation qui ne demande qu’à prospérer tant les besoins de cette commune sont importants et tant ses forces vives sont demandeuses de soutien.